![]() Kanton Bern |
Canton
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Plan de l'article
1 Situation géographique 1.1 Le découpage administratif 1.2 L'appellation de Jura pour des entités distinctes 2 Données démolinguistiques 2.1 Les germanophones 2.2 Les francophones 2.3 L'arrondissement et le district de Bienne/Biel 3 Les dispositions constitutionnelles 3.1 Les langues officielles 3.2 Le statut du Jura bernois 4 La politique linguistique du canton de Berne 4.1 Les langues de la législation 4.2 Les langues de la justice 4.3 Les langues de l'administration cantonale 4.4 Les langues de l’éducation 5 La ville de Bienne/Biel 5.1 La réglementation cantonale 5.2 La réglementation municipale 5.3 Les institutions 6 Les médias dans le canton |
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Le canton de Berne constitue l’un des trois cantons officiellement bilingues de la Confédération suisse, avec le canton de Fribourg et le canton du Valais, le canton des Grisons étant trilingue. Compte tenu de sa population (1,0 million) et de sa superficie (6051 km²), le deuxième après les Grisons, le canton de Berne est le plus important de la Suisse.
Ce canton est limité au nord par les cantons du Jura et de Bâle, à l’est par les cantons d’Argovie, de Lucerne, d’Unterwald et d’Uri, au sud par le canton du Valais, à l’ouest par les cantons de Vaud, de Fribourg et de Neuchâtel (voir la carte au sigle BE pour Berne). |
1.1 Le découpage administratif
Le canton de Berne est découpé en districts, en arrondissements administratif et en régions administratives.
- Les districts
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Le canton de Berne compte 26 districts (Amtsbezirk en allemand, Amtsbezirke au pluriel): Aarberg, Aarwangen, Berne, Bienne, Büren, Berthoud, Courtelary, Cerlier, Fraubrunnen, Frutigen, Gessenay, Interlaken, Konolfingen, La Neuveville, Laupen, Moutier, Nidau, Niedersimmental, Oberhasli, Obersimmental, Schwarzenburg, Seftigen, Signau, Thoune, Trachselwald, Wangen.
Avant le 1er janvier 2010, les districts étaient des unités administratives intermédiaires entre le canton et les communes, mais ils ont été remplacés par des arrondissements administratifs. Toutefois, les districts ont été maintenus comme des délimitations pour des circonscriptions électorales, notamment pour l'élection au Conseil du Jura bernois. |
- Les arrondissements administratifs
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Depuis le 1er janvier 2010, les 26 districts bernois ont été regroupés en 10 nouveaux arrondissements administratifs : Jura bernois, Bienne/Biel, Seeland, Haute-Argovie (Oberaargau), Emmental, Berne-Mittelland (Bern-Mittelland), Thoune (Thun), Haut-Simmental-Gessenay (Obersimmental-Saanen), Frutigen-Bas-Simmental (Frutigen-Niedersimmental) et Interlaken-Oberhasli.
Ces arrondissements administratifs sont des entités décentralisées qui permettent une gestion plus efficace et proche des réalités locales dans le canton de Berne. Ils sont dirigés par un préfet (et de son personnel), qui représente le Conseil d'État cantonal; ils assurent la gestion des affaires locales, traitent les activités judiciaires, coordonnent les fonctions de coordination et servent de lien entre la population, les communes et l'État. Ils statuent sur les recours formés contre les décisions communales dans divers domaines, tels que les règlements, les mesures de circulation, les naturalisations, etc. Ils offrent donc des services de proximité, notamment dans le domaine des permis (construction, chiens, patentes, lotos, etc.), des manifestations publiques et de diverses autorisations. Un seul est officiellement bilingue: le district de Bienne/Biel. Le Jura bernois est officiellement de langue française. Les huit autres sont unilingues allemands. |
- Les régions administratives
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Les régions administratives constituent un élément important de la décentralisation administrative, permettant une gestion plus efficace et adaptée des affaires cantonales en lien étroit avec les communes. Les dix arrondissements sont regroupés en cinq régions administratives pour certains domaines de compétences du canton, notamment en éducation : Berne-Mittelland : composée de l'arrondissement administratif de Berne-Mittelland ; Jura bernois : composée de l'arrondissement administratif du Jura bernois ; Emmental-Haute-Argovie : regroupe les arrondissements de l'Emmental et de Haute-Argovie ; Oberland : regroupe les arrondissements de Frutigen-Bas-Simmental, d'Interlaken-Oberhasli, du Haut-Simmental-Gessenay et de Thoune ; Seeland : regroupe les arrondissements de Bienne et du Seeland. Seule la région administrative du Jura bernois est de langue française. |
1.2 L'appellation de Jura pour des entités distinctes
Le Jura est d'abord une chaîne de montagnes qui s'étend en France, en Suisse et en Allemagne («Jura souabe») et qui a donné son nom à la deuxième période du Mésozoïque ou «ère secondaire» : le Jurassique. Voir la carte des frontières des deux pays avec le massif du Jura. Sur le plan administratif l'appellation de Jura peut désigner trois entités différentes: un district bernois, un canton suisse et un département français.
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En Suisse, le massif du Jura s'étend sur plus de 360 km le long de sa crête principale entre Voreppe (Isère, en France) et Dielsdorf (Zurich, en Suisse). Divisé par la frontière entre la France et la Suisse, le massif du Jura est traditionnellement séparé en deux entités: le «Jura français» et le «Jura suisse». En Suisse, le Jura constitue l'une des trois grandes régions géographiques avec le Plateau suisse et les Alpes. |
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Les dix arrondissements administratifs de Berne ne sont pas équivalents. C'est le district de Berne-Mittelland qui est le plus populeux parce qu'il représente 40% de la population du canton, bien qu'il ne soit pas le plus grand en superficie. Suivent les districts de Thoune (10,2%) et celui de Bienne (9,8%).
Un seul district est francophone, celui du Jura bernois; un autre est bilingue, Bienne/Biel, alors que tous les autres sont unilingues allemands. Les trois cantons bilingues de la Suisse sont séparés par une frontière linguistique appelée le Röstigraben; elle distingue la partie francophone (à l'ouest) et la partie germanophone (à l'est), sauf dans le canton de Berne où les francophones sont au nord, les germanophones, dans tout le reste du canton. Comme nous le savons, le canton de Berne abrite une grande majorité de germanophones, une petite minorité de francophones et quelques milliers d'allophones. |
2.1 Les germanophones
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Le canton de Berne comptait un peu plus d'un million d'habitants en 2022). Les germanophones du canton de Berne sont nettement majoritaires avec 88,7 % de la population. Les francophones ne constituent que pour 11,3 % des habitants du canton. Selon la jurisprudence suisse, toute personne, n'étant ni de langue maternelle française ni de langue maternelle allemande, mais ayant fait sa scolarité dans l'une de ces deux langues ou l'ayant adoptée comme deuxième langue, est considérée comme francophone ou germanophone. C’est pourquoi on ne tient compte dans les statistiques officielles que des francophones OU des germanophones. En réalité, beaucoup d’autres citoyens parlent une autre langue que l’une des deux langues officielles: l’italien serait parlé par 2,8 % de la population, le romanche par 0,1%, et les autres langues par 5,6 %.
À cela s’ajoute le fait que la plupart des Suisses allemands parlent le suisse alémanique appelé le Schweizerdeutsch. Cette variété d’allemand régional est demeurée très vivante dans toute la Suisse alémanique. De façon générale, les germanophones de Suisse n'aiment pas s'exprimer en «allemand d'Allemagne» qu'ils apprennent à l'école primaire. |
Cette langue germanique est non seulement employée à la maison, entre amis, dans la rue, dans les communications informelles, mais elle envahit aussi toute la vie sociale: les affaires, les écoles, les tribunaux, la radio et la télévision, les parlements cantonaux, les commissions fédérales, etc. En fait, les Suisses alémaniques utilisent l’«allemand d'Allemagne» surtout lorsque les circonstances de la vie publique les y obligent. Mais ils n’écrivent qu’en «allemand d'Allemagne». Il ne faut pas croire que le suisse alémanique est similaire à l'allemand standard, car la distance linguistique entre l’allemand et les variantes du suisse allemand peut être est considérable, de sorte qu'une très bonne connaissance de l’allemand n'assure aucunement la compréhension de l’une ou de l’autre forme du suisse alémanique. Ainsi, même les individus originaires d’Allemagne et établis en Suisse pour des motifs professionnels doivent suivre des cours pour acquérir une maîtrise du suisse allemand local. On peut consulter une liste de mots différents en suisse allemand et en allemand standard en cliquant ici s.v.p.
2.2 Les francophones
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Avant 2010, le Jura bernois comptait trois districts (Moutier, Courtelary et La Neuveville) qui ont été abolis et ont été remplacés par le district administratif du Jura bernois avec 40 communes.
Environ la moitié des francophones du canton réside dans le district du Jura bernois qui compte 38 communes de langue française et deux petites communes germanophones à l'extrémité est : Elay / Seeholf (66 hab.) et La Scheulte / Schelten (35 hab.). Le nombre des francophones était estimé à 53 927 en 2023). Les communes numériquement les plus importantes (plus de 1000 habitants) sont les suivantes: Moutier (7171), Saint-Imier (5088), Valbirse (3973), La Neuveville (3825), Tavannes (3471), Reconvilier (2464), Plateau de Diesse (2153), Péry-La Heute (1957), Sonceboz-Sombeval (1913), Corgémont (1842), Orvin (1264), Courtelary (1435), Sonvilier (1199), etc. La seule langue officielle du Jura bernois est le français, à l'exception des villages d'Elay et de La Scheulte. |
2.3 L'arrondissement et le district de Bienne/Biel
La ville de Bienne est située entre le massif du Jura au nord et à l'ouest, le Plateau suisse à l'est, à l'ouest et au sud, ainsi que le lac de Bienne au sud-ouest.
- L'arrondissement de Bienne/Biel
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L'arrondissement administratif de Bienne/Biel (Verwaltungskreis Bienne/Biel, en allemand), est l'un des dix arrondissements administratifs du canton bernois. D'une superficie de 97,9 km², l'arrondissement compte 19 communes et une population de plus de 105 000 habitants (janvier 2023).
Toutes les communes de l'arrondissement sont officiellement unilingues allemandes, sauf pour les deux communes du district de Bienne/Biel, qui est bilingue. Il existe probablement quelques très petites minorités francophones, telles les communes de Ligerz (6,3%) et de Twann-Tücherz (6,9%), toutes deux situées sur la rive gauche du lac de Bienne. Néanmoins, le droit à la langue ne s'applique que pour l'allemand. |
- Le district et la Ville de Bienne/Biel
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Le district de Bienne/Biel est, rappelons-le, l’un des 26 districts du canton bernois; il fait aussi partie des dix arrondissements administratifs de Bienne. La superficie du district est de 25 km² et comprend les communes de Biel/Bienne et d'Évilard-Macolin. Au 31 décembre 2005, le district abritait une population de 51 055 habitants, répartie entre 43% de francophones et 56% de germanophones. La Ville de Bienne et la commune d'Évilard sont les deux seules communes du canton de Berne à avoir officiellement déclaré leur bilinguisme, avec le français et l'allemand sur un pied d'égalité comme langues officielles. La minorité francophone dispose d'un organisme politique consultatif, le Conseil des affaires francophones du district bilingue de Bienne. Entre le milieu et la fin du XIXe siècle, la ville a été majoritairement francophone, mais depuis 1950 elle est devenue majoritairement germanophone. |
Comme on peut le constater, les langues officielles du canton de Berne sont l’allemand et le français, mais ce statut bilingue ne s’étend pas à tout le canton. Dans le Jura bernois (au nord), seul le français est officiel; l'arrondissement administratif de Bienne/Biel est aussi bilingue, mais seules les communes de Bienne/Biel et d'Évilard-Macolin sont effectivement bilingues, avec l'allemand et le français sur un pied d'égalité. Dans toutes les autres régions, l’allemand demeure la seule langue reconnue officiellement. C’est ce qu’on appelle une politique de la territorialité (ou séparation territoriale des langues).
- Le bilinguisme biennois
Pendant longtemps, les Biennois bilingues ont parlé le français et le Schweizerdeutsch local, c'est-à-dire la variante biennoise du suisse allemand. Cependant, en raison de la diminution des communications dans les rues ou les places publiques, dans les commerces, dans les aires de jeux et surtout depuis que l'enseignement de l'allemand standard est obligatoire à l'école primaire pour les francophones, les élèves apprennent l'allemand standard durant toute leur scolarité; ils n'apprennent que rarement la variante biennoise du suisse allemand sur la place publique. Ainsi, le Schweizerdeutsch biennois n'est plus une langue familière pour beaucoup de citoyens biennois. Parce qu'ils ont appris l'allemand standard à l'école, la plupart des francophones et des allophones s'expriment maintenant dans cette langue lors des communications avec leurs concitoyens alémaniques.
3 Les dispositions constitutionnelles
La Constitution du canton de Berne a été adoptée le 6 juin 1993. Non seulement le bilinguisme a été enchâssé dans la Constitution, mais les rédacteurs ont prévu aussi une série de mesures destinées à protéger, d'une part, l'arrondissement du Jura bernois francophone, d'autre part, les francophones habitant le district bilingue de Bienne. Pour cette raison, le canton de Berne reconnaît deux langues officielles: l'allemand et le français, tout en respectant le principe de la territorialité.
3.1 Les langues officielles
Rappelons que les deux langues officielles du canton, l’allemand et le français, n’ont pas ce statut dans l’ensemble du territoire cantonal, car c’est le principe de l’unilinguisme territorial qui prévaut, comme à peu près partout en Suisse. Conformément à l’article 6 de la Constitution cantonale du 6 juin 1993, les langues officielles sont réparties en trois districts:
Article 6
1) Le français et l'allemand sont les langues nationales et officielles du canton de Berne. 2) Les langues officielles sont:
3) Le canton et les communes peuvent tenir compte de situations particulières résultant du caractère bilingue du canton. 4) Toute personne peut s'adresser dans la langue officielle de son choix aux autorités compétentes pour l'ensemble du canton. |
Les paragraphes 3 et 4 de l’article 6 signifient que tout citoyen peut s’adresser dans la langue de son choix dans la mesure où il s’adresse à l’Administration centralisée de Berne (gouvernement fédéral ou cantonal); dans les autres districts, il faut se conformer à l’unilinguisme territorial, sauf dans le district bilingue de Bienne/Biel (à cheval sur la frontière linguistique).
Fait rare en Suisse, l’article 4 de la Constitution de 1993 a introduit des dispositions sur les minorités:
Article 4
1) Il est tenu compte des besoins des minorités linguistiques, culturelles et régionales. 2) À cet effet, des compétences particulières peuvent être attribuées à ces minorités. |
Rappelons qu'il existe une minorité francophone dans le canton de Berne; celle-ci réside dans trois anciens districts du Jura bernois. C’est l’article 5 de la Constitution qui précise le statut particulier des districts du Jura bernois (districts de Courtelary, de Moutier et de La Neuveville) afin de permettre aux francophones de préserver leur particularité linguistique:
Article 5
1) Un statut particulier est reconnu au Jura bernois, composé des districts de Courtelary, Moutier et La Neuveville. Ce statut doit lui permettre de préserver son identité, de conserver sa particularité linguistique et culturelle et de participer activement à la vie politique cantonale. 2) Le canton prend des mesures pour renforcer les liens entre le Jura bernois et le reste du canton. |
Quant à l’article 15 de la Constitution cantonale, il rappelle à peu près dans les mêmes termes les dispositions de la Constitution fédérale relative à la liberté des langues: «La liberté de la langue est garantie.» Selon ce grand principe du droit suisse, tous les citoyens du pays ont le droit de pratiquer la langue qu'ils veulent; dans les faits, la jurisprudence des tribunaux (fédéraux) a toujours privilégié le principe de la territorialité des langues aux dépens de la liberté d'expression. Le principe est réaffirmé ici, mais comme partout ailleurs en Suisse c’est la territorialité des langues — l’unilinguisme territorial — qui prévaut et constitue l'élément fondamental du droit des langues.
3.2 Le statut du Jura bernois
Conformément à la Constitution cantonale, les francophones bénéficient d'un statut particulier dans le Jura bernois. L'Arrêté du Conseil exécutif du 27 février 2002 sur le statut particulier des francophones du Jura avait prévu la création du Conseil du Jura bernois (CJB), mais celui-ci n'a vu le jour qu'en 2006. En tant qu'institution régionale propre au Jura bernois, le CJB a comme objectifs de permettre à la population francophone de préserver son identité, de renforcer sa particularité linguistique et culturelle au sein du canton de Berne, et de participer activement à la politique cantonale.
- Le bilinguisme
L'article 1er de la Loi sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne (2004-2025) reconnaît ce statut particulier ainsi que dans le district (arrondissement de Bienne):
Article 1er
1) La présente loi crée un statut particulier pour la population du Jura bernois devant lui permettre:
2) Elle vise à promouvoir le bilinguisme dans le district de Bienne et à renforcer la situation de la population francophone en tant que minorité linguistique et culturelle. |
Selon la même loi, il existe une unité administrative francophone décentralisée pour accomplir en langue française les tâches relevant des affaires communales et de l'organisation du territoire dans les districts du Jura bernois et dans le district bilingue de Bienne:
Article 48 1) Le canton entretient une unité administrative francophone décentralisée pour accomplir en langue française les tâches relevant des affaires communales et de l'organisation du territoire dans les districts du Jura bernois et dans le district bilingue de Bienne. 2) Il entretient une unité administrative francophone dans le Jura bernois pour les activités relevant de la coordination francophone au sein de la Direction de l'instruction publique. 3) Il peut entretenir des unités administratives francophones décentralisées pour des activités relevant d'autres domaines. |
Il faut donc comprendre que ce droit linguistique des francophones n’est pas d’ordre personnel (sauf pour l’administration centralisée à Berne), mais d’ordre territorial. Ce type de «bilinguisme» découle du principe que les langues en concurrence dans un État bilingue sont séparées sur le territoire à l'aide de «frontières linguistiques» rigides plutôt que poreuses. Les droits linguistiques sont alors accordés aux citoyens résidant à l'intérieur d'un territoire donné et un changement de lieu de résidence peut leur faire perdre tous leurs droits (linguistiques), lesquels ne sont pas transportables comme l'est, par exemple, le droit de vote. Dans les faits, l’État, comme c'est le cas du canton de Berne, peut être officiellement bilingue, mais il applique un unilinguisme local. Une telle pratique n’est possible que lorsque les communautés linguistiques sont très concentrées géographiquement. Toutefois, lorsqu'il existe des populations linguistiquement mixtes, cette pratique devient difficile à appliquer, à moins de recourir au bilinguisme personnel selon lequel tous les individus ont les mêmes droits, peu importe où ils résident.
Quant à l'Ordonnance sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne, il prévoit des règles concernant la participation politique des francophones aux directions et à la Chancellerie de l'État.
- Le district et la ville de Bienne/Biel
Le district de Bienne/Biel compte 19 communes : Aegerten, Bellmund (fr. Belmont), Biel/Bienne, Brügg, Lengnau (fr. Longeau), Leubringen (fr. Evilard), Ligerz (fr. Gléresse), Ipsach, Meinisberg, Mörigen (fr. Morenges), Nidau, Orpunf (fr. Orpond), Pieterlen (fr. Perles), Port, Safnern, Scheuren, Schwadernau, Sutz-Lattrigen et Twann-Tüscherz (fr. Douanne-Daucher). Seule la ville de Biel/Bienne est officiellement bilingue. Dans cette ville, le bilinguisme est une réalité quotidienne, avec des noms de rues, des indications publiques et des conversations qui se déroulent naturellement dans les deux langues.
Cependant, le district administratif lui-même est également bilingue, reflétant le statut de sa commune principale, Bienne/Biel. Cela signifie que les publications officielles, comme celles du registre foncier et du registre du commerce, sont publiées en français ou en allemand, selon la langue employée dans les documents soumis, pour les affaires concernant le district de Biel/Bienne. Le choix proportionnellement plus élevé du français vient du fait que l'immigration des locuteurs de langue romane (italophones, hispanophones et lusophones) a privilégié le français comme langue administrative et comme langue d'enseignement.
L'immigration plus récente (en provenance des Balkans et de la Turquie) devrait diversifier ces comportements, mais il demeure un fait que plus d'étrangers choisissent le français plutôt que l'allemand comme langue d'intégration principale, ce qui revient à dire que les francophones ont un profil plus multiculturel que les Alémaniques. La population de Bienne est d'environ 58 158 habitants, dont 55,6% déclarent l'allemand comme langue principale et 44,4% le français, selon les autorités locales. À Bienne 36,9 % des habitants sont unilingues, 32,9 % sont bilingues et 20,3 % sont trilingues ou plus.
Le canton de Berne n’a jamais adopté de loi linguistique globale, telle qu’on en retrouve dans plusieurs États, notamment en France (Loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française), en Catalogne (Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998), au Pays basque (Loi fondamentale sur la normalisation de l'usage de l'euskara, 1982), en Finlande (Loi sur les langues de 2003), en Lituanie (Loi sur la langue officielle de 1995), au Québec (Charte de la langue française de 1977), etc. Les lois linguistiques bernoises ne couvrent pas l'ensemble complet des domaines d'un État, mais des domaines spécifiques tels les publications officielles, les langues judiciaires, le statut particulier du Jura bernois, du district bilingue de de Bienne/Biel, de l'arrondissement administratif de Bienne/Biel, etc.
Cependant, le canton dispose d’un grand nombre de lois non linguistiques dont certains articles contiennent des dispositions linguistiques ici et là. La liste de ces quelque 50 lois présentées au début de cette page témoigne des préoccupations linguistiques de la part des autorités cantonales. Ces lois bernoises traitent de façon ponctuelle de l'usage des langues au Parlement cantonal (Grand Conseil), dans l'administration cantonale, l'organisation judiciaire, l'instruction publique, etc.; les lois les plus «importantes» semblent se rapporter surtout au domaine judiciaire. Il existe aussi, dans un grand nombre de lois, quelques dispositions — parfois une ou deux — se rapportant généralement à la composition linguistique des membres des commissions, comités, ordres professionnels, corps de police, etc. Il existe aussi de nombreuses lois à portée linguistique, aujourd'hui désuètes.
4.1 Les langues de la législation
Au Parlement cantonal de Berne, appelé le «Grand Conseil», les députés s'expriment dans la langue de leur choix, soit l'allemand, le suisse alémanique (ou Schweizerdeutsch) ou le français. De façon générale, les lois sont discutées en Suisse alémanique, puis rédigées en allemand, et promulguées en allemand et en français. Évidemment, étant donné le petit nombre de députés francophones, la langue des débats est normalement le suisse alémanique.
- La traduction simultanée
En vertu de l'article 76 («Services parlementaires») du Règlement du Grand Conseil (2014-2025), les langues employées sont l’allemand, le suisse alémanique (appelée ici «dialecte») et le français, mais la compréhension est assurée par la traduction simultanée de l’allemand (et suisse alémanique) au français et du français à l’allemand (non en suisse alémanique):
Article 42
Tenue des procès-verbaux |
- Les langues en usage
L'article 76 du Règlement du Grand Conseil (2014-2025) autorise les députés et membres du Conseil exécutif s'expriment en allemand (suisse alémanique ou allemand) ou en français:
Article 76 Langues |
Plus précisément, trois langues sont possibles: le suisse allemand, l'allemand standard et le français. Les membres francophones font partie de «La Députation», un organisme du Grand Conseil. Cette députation regroupe tous les députés du Jura bernois, qui sont au nombre de 12, ainsi que les députés francophones de la circonscription de Bienne-Seeland. En 2013, la Députation comptait 16 membres, réunissant les élus du Jura bernois et les quatre élus pour Bienne-Seeland. Cet organisme a pour but de défendre au Grand Conseil les intérêts du Jura bernois et de la population francophone du
- La publication du Recueil officiel
L'article 1er de la Loi sur les publications officielles (1994-2013) ne fait qu'énoncer que le Recueil officiel des lois bernoises et le Recueil systématique des lois bernoises sont publiés dans les deux langues officielles:
Article 1er
Principe Article 2 Droit cantonal
Article 20 |
Si l'article 1er de l'Ordonnance sur les publications officielles (1993-2024) ne fait que reproduire le texte précédent, l'article 4a traite des langues employées dans la Feuille officielle du canton de Berne:
Article 1er
Publication Article 4 Parution 1) La Feuille officielle du canton de Berne (Feuille officielle) paraît une fois par semaine. Langues 1) La Feuille officielle comprend des publications en allemand et en français. Avis Est réputé avis un texte officiel, en allemand ou en français, qui forme un tout à publier en tant que tel. |
Il faut comprendre que les lois, les décrets, les ordonnances ainsi que les arrêtés sont communiqués officiellement en allemand dans la partie allemande du canton et en français dans la partie française. Autrement dit, les lois et règlements ne sont pas publiés en version bilingue, mais dans les deux langues officielles en version séparée.
- Une représentation équilibrée des deux langues officielles
Selon la Loi sur le Grand Conseil (2013-2023), les membres de la Commission de rédaction des lois et règlements doivent assurer une représentation équilibrée des deux langues officielles:
Article 98
Composition |
La Commission de rédaction assure la concordance des textes allemand et français et propose des modifications à la commission compétente.
Dans le canton de Berne, comme dans toute la Suisse, un décret est une décision prise par le Conseil des ministres, alors qu'un arrêté est une décision prise par une instance administrative. L'ordonnance est une décision prise par le gouvernement avec l'autorisation du Parlement ou du Grand Conseil, tandis qu'une loi est adoptée par l'une des ces instances.
4.2 Les langues de la justice
Dans les tribunaux, les autorités judiciaires compétentes pour l'ensemble du canton emploient en règle générale la langue du district concerné, soit l’allemand soit le français. Cette procédure laisse entendre que, dans la partie allemande du canton, la procédure a lieu en langue allemande, dans la partie française, en langue française. D’ailleurs, selon l’article 2 de la Loi sur l'organisation des juridictions civile et pénale (1995-2006), le droit des langues est précisé ainsi, selon les districts germanophones ou francophones:
Article 2 Compétences, langue judiciaire |
Le Décret sur les langues judiciaires (2010-2023) prévoit de faire appel à un interprète s'il est nécessaire :
Article 6
Interprétation et traduction Interprétation simultanée |
- La région administrative du Seeland
L'article 40 de la Loi sur l'organisation du Conseil exécutif et de l'administration (1995-2024) décrit bien l'emploi des langues dans les différentes procédures, administrative, civile, pénale, etc.:
Article 40
Langue officielle dans la région administrative du Seeland
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- La langue du district concerné
La loi prévoit aussi l’utilisation des langues devant un juge d’instruction. En effet, selon l’article 34 de la Loi sur la procédure et la juridiction administratives (1990-2023), c’est la langue du district concerné qui fait foi:
Article 34
1) Les autorités communales et les préfets instruisent dans la langue officielle de leur district. 2) Les autres autorités instruisent dans la langue du district dont relève l'affaire. Au surplus, le choix de la langue de l'instruction est déterminé par la langue officielle utilisée dans l'écrit de la personne qui a introduit la procédure. 3) D'entente avec les parties, les autorités de justice indépendantes de l'administration et compétentes pour tout le canton peuvent instruire dans l'autre langue nationale. |
L'article 62 du Code de procédure pénale (aujourd'hui aboli) précisait que la procédure a lieu en allemand dans les districts germanophones, en français dans les districts du Jura bernois, et en allemand ou en français dans le district de Bienne:
Article 62 Langue judiciaire [aboli] |
L'article 121 du Code de procédure civile (1918-2007) reprend les pratiques en vigueur lors des débats devant les autorités judiciaires inférieures doivent se dérouler dans la langue officielle de leur district:
Article 121 Langue Traduction des pièces rédigées dans une langue étrangère À la demande du juge, les pièces servant de moyens de preuve rédigées dans une langue étrangère devront être traduites. Il peut ordonner qu'il soit fait appel à un expert pour cette traduction. |
- Le Ministère public
Dans le canton de Berne, le Ministère public est responsable de l'exercice de «l'action publique». C'est le Ministère public qui doit conduire la procédure préliminaire, poursuivre les infractions dans le cadre de l'instruction et, le cas échéant, dresser l'acte d'accusation, ainsi que défendre l'accusation devant le tribunal. Dans son organisation, le Ministère public du canton est composé du Parquet général, de trois ministères publics pour l'ensemble du territoire cantonal (un ministère public chargé de la poursuite des infractions économiques, un ministère public chargé des tâches spéciales, et un ministère public chargé des affaires pénales des mineurs), ainsi que quatre ministères publics régionaux (Jura bernois-Seeland, Emmental-Haute Argovie, Berne-Mittelland et Oberland bernois). La Loi sur l'organisation des autorités judiciaires et du Ministère public (2009-2024)prévoit que les juges ainsi que les procureurs doivent comprendre et parler les deux langues officielles:
Article 16
Langue Éligibilité |
C'est pourquoi le Décret sur l'attribution des postes de juges et de procureurs et procureures (2009) stipule que, dans les tribunaux du canton (Cour suprême, Tribunal de commerce, Tribunal de la protection de l'enfant et de l'adulte, Tribunal administratif, Tribunal des mineurs, tribunaux régionaux, etc.), les postes de juges doivent être pourvus de telle sorte que les deux langues officielles soient représentées de manière appropriée.
- Le district bilingue de Bienne/Biel
La procédure est quelque peu différente dans le district bilingue de Bienne/Biel. Les citoyens doivent donc utiliser la langue du district concerné, sauf dans le district de Bienne/Biel où ils ont le choix de la langue. Dans les cours d'appel, les citoyens ont également le choix entre les deux langues officielles du canton. Lorsque toutes les parties donnent leur accord, un juge peut autoriser l’emploi de l’«autre langue nationale». Lorsqu'une partie, un témoin ou un expert ne comprend pas la langue dans laquelle doit avoir lieu la procédure, le juge nomme un interprète. Il est possible de s’en passer, lorsque le juge ou le greffier comprend la langue étrangère.
L'Ordonnance sur l'usage des langues dans l'administration de la justice et des tribunaux du district de Bienne (1995) énonce ce qui suit:
Article 1er
Principe Tribunaux
3) Toute partie n'étant ni de langue maternelle française ni de langue maternelle allemande, mais ayant fait sa scolarité dans l'une de ces deux langues ou l'ayant adoptée comme deuxième langue est considérée comme francophone ou germanophone. |
La réglementation prévoit que l’interprète ne peut être choisi parmi les jurés ou les témoins ni parmi les personnes qui seraient récusables comme expert. Quant aux parties, elles ont le droit de signaler les circonstances qui font paraître une personne impropre à fonctionner comme interprète.
- Le personnel judiciaire
Conformément à l’article 83 de la Loi sur l'organisation des juridictions civile et pénale, toute personne faisant partie du ministère de la Justice (appelé ici le «Ministère public») afin d’exercer la profession d’avocat ou de notaire doit «savoir les deux langues nationales». Ainsi, le canton de Berne respecte les prescriptions constitutionnelles et pratique un bilinguisme exceptionnel tout en maintenant la séparation territoriale des langues allemande et française.
Article 83
Conditions d'éligibilité et de nomination |
Dans l'Ordonnance sur le notariat (2006), il est précisé que la langue employée est la langue officielle de l'arrondissement administratif dans lequel le ou la notaire a son étude:
Article 33
Langue employée Procédure extraordinaire |
L'article 29 de la Loi sur l'exécution des peines et mesures (2003-2013) énonce que toute personne placée dans un établissement d’exécution cantonal a l’occasion, après son admission, de s’entretenir avec la direction de l’établissement et le service d’assistance, et ce, dans sa langue maternelle, et s'il s'agit d'une personne détenue parlant une langue étrangère, elle recevra un aide-mémoire rédigé si possible dans sa langue nationale, sur ses principaux droits et devoirs:
Article 29 Admission, plan d’exécution |
- La Cour suprême
Il en est ainsi pour la Cour suprême, alors que l'article 30 du Règlement d'organisation de la Cour suprême (2010-2025) prévoit que les affaires en langue française sont instruites et traitées par un juge ou une juge francophone, sinon c'est une juge germanophone:
Article 30
Affaires en langue française 1) Les affaires en langue française sont instruites et traitées par un juge ou une juge francophone. |
La Loi sur les avocats et les avocates (2006)
Article 12
Compétences L'autorité de surveillance des avocats
Article 13 Composition |
Bref, la justice dans le canton de Berne respecte scrupuleusement la répartition des langues et les droits linguistiques de sa minorité francophone de l'arrondissement du Jura bernois.
4.3 Les langues de l'administration cantonale
Dans ses rapports avec les citoyens, l’Administration cantonale emploie toujours la langue d'usage du district ou de l'arrondissement concerné: c’est donc l’allemand dans les districts et arrondissements germanophones et le français dans les districts et les arrondissements francophones du Jura bernois. Ainsi, lorsque des citoyens communiquent par écrit auprès de l’administration cantonale ou communale, ils doivent le faire en français dans les districts francophones et en allemand dans les districts germanophones.
Dans la région administrative du Jura bernois (carte 3), le français est la seule langue officielle. Dans l'arrondissement administratif de Bienne/Biel (carte 2), ou dans la région administrative du Seeland (carte 3), les communes d'Evilard (60 % de germanophones et 40 % de francophones) et de Bienne (60 % de germanophones et 40 % de francophones) ont le français et l'allemand comme langues officielles. Dans tous les autres arrondissements et autres communes, seul l'allemand est officiel. Toutefois, toute personne peut s'adresser à l'oral et à l'écrit dans la langue officielle de son choix aux autorités compétentes pour l'ensemble du canton, c'est-à-dire pour l'administration centralisée de Berne (capitale).
- Les documents administratifs
Les documents administratifs écrits sont tous rédigés dans les deux langues, mais ils ne sont distribués qu’en allemand ou qu’en français (selon les districts et les arrondissements); la présentation bilingue de la documentation est à peu près inexistante dans le canton. La chancellerie de l'État pourvoit toujours aux traductions au prix «des émoluments conformes au tarif».
Selon l'article 2 des Directives sur les prestations linguistiques dans l'administration centrale du canton de Berne (2009), les textes destinés au Jura bernois sont rédigés en français, ceux destinés à la partie germanophone du canton en allemand. Les textes destinés à la région administrative du Seeland et à l'arrondissement administratif de Biel/Bienne sont rédigés dans les deux langues officielles.
Plus précisément, les documents ou écrits destinés à des autorités ainsi qu'aux préfectures doivent être fournis dans la langue officielle du district ou de l'arrondissement concerné. L'article 32 de la Loi sur la procédure et la juridiction administratives (1990-2023) est précis à ce sujet:
Article 32
Forme et langue des écrits des parties |
Quant au registre de l'état civil, l'article 3 de l'Ordonnance sur l'état civil (2013-2021) reprend le système mis en place par le régime linguistique, c'est-à-dire en fonction des districts du Jura bernois et des communes bilingues du district de Bienne/Biel (Seeland):
Article 3
Langues officielles
|
Cet article fait allusion aux arrondissements administratifs du Jura bernois et du Seeland, mais il s'agit en fait des deux communes de Bienne/Biel et d'Évilard-Macolin, qui sont effectivement bilingues (voir la carte 3), car il n'y a pas de francophones dans la région administrative du Seeland.
Dans l'Ordonnance sur l'information du public (2019-2023), l'article 21 prescrit l'emploi des deux langues officielles dans tous les rapports et expertises d'intérêt général»:
Article 21 1) Tous les rapports et expertises d'intérêt général contiennent, quelle que soit leur langue d'origine, un résumé rédigé dans les deux langues officielles. Celui-ci comprend les points principaux et les conclusions. 2) Les rapports et expertises sont entièrement traduits dans l'autre langue officielle avant leur publication lorsqu'ils concernent particulièrement la région linguistique en cause. |
La Loi sur les droits politiques (2012-2025) invalide tout projet d'initiative populaire s'il n'est pas présenté en deux versions linguistiques:
Article 134
Traduction |
Dans le canton de Berne, comme partout ailleurs en Suisse, le projet «d'initiative populaire» constitue un droit civique, car il permet à un nombre donné de citoyens ayant le droit de vote de faire une proposition et de la soumettre au vote populaire afin qu'il devienne éventuellement une loi; il est possible aussi de proposer la modification d'une loi existante.
- Le personnel administratif
Le canton emploie nécessairement du personnel pour assurer l'administration de l'État. Étant donné que le canton est officiellement bilingue, il doit disposer d'un personnel qui soit bilingue. En fait, le personnel administratif n’est bilingue et n’assure les services dans les deux langues officielles que dans l'administration centralisée de Berne ainsi que dans la commune bilingue de Bienne (région administrative du Seeland).
Il n’existe pas de législation cantonale spécifique à cet effet, mais plusieurs lois ou ordonnances prévoient un ou deux articles sur la composition linguistique des membres des commissions, comités, services, corps de police, etc. Pour ce qui est des services administratifs dans la ville de Biel/Bienne et les bureaux de l’administration cantonale centralisée dans la capitale (Berne), tout citoyen du canton peut, par écrit ou oralement, demander et recevoir des services dans la langue de son choix. Cependant, par défaut, l’administration s’adressera d’elle-même en français dans les districts francophones et en allemand dans les districts germanophones.
L'article 4 de la Loi sur le personnel (2004-2022) parle de «représentation équitable des deux langues officielles du canton au sein de l’administration cantonale»:
Article 4 Fondements et objectifs
|
L'article 54 de la Loi sur la police cantonale (2029-2023) mentionne que la police cantonale doit disposer à chaque échelon d'un nombre approprié de collaboratrices et collaborateurs de langue française:
Article 154
|
Il en est ainsi dans la Loi sur les soins hospitaliers (2013-2024) qui prescrit l'usage des «deux langues officielles du canton» pour les soins hospitaliers et les hôpitaux universitaires:
rticle 3 Principes Article 106 |
Pour les préposés au registre du commerce, l'article 4 du Décret sur l'organisation du registre du commerce (2006-2020) les oblige à «maîtriser les deux langues officielles»:
Article 4
Autorité de nomination, langue |
En somme, les autorités du canton font en sorte que les citoyens francophones reçoivent le maximum de services dans leur langue, non seulement dans le Jura bernois, mais aussi dans l'arrondissement administratif bilingue de Biel/Bienne.
- L'affichage public et commercial
Il n'existe aucune réglementation concernant l'affichage public et commercial. C'est la liberté totale, exception faire de l'Ordonnance fédérale sur la signalisation routière (1979). Cela signifie qu'une commune peut avoir une dénomination unilingue française ou allemande ou bilingue (Biel / Bienne) et que les entreprises, quelles qu'elles soient, emploient des inscriptions bilingues, françaises ou allemandes, selon leur bon vouloir. Cette réglementation semble en général respectée, mais elle demeure peu exigeante pour les administrations locales.
l'Ordonnance cantonale sur la circulation routière (2005-2023) impose que l'examen théorique de conduite doit se dérouler dans les deux langues officielles du canton:
Article 10
Examen théorique de conduite |
En consultant la figure ci-dessous, les seules inscriptions bilingues sont celles des autorités cantonales de Berne/Bern et de la Ville de Biel/Bienne. Lorsqu'une inscription est en français, c'est qu'elle est située soit dans le Jura bernois, soit dans la ville de Biel/Bienne ou dans la commune d'Évilard. Partout ailleurs, les inscriptions seulement sont en allemand.
- Les demandes de naturalisation
En Suisse, toute personne qui y habite depuis plus de douze ans ou qui est née en Suisse de parents étrangers a la possibilité de demander une naturalisation dite «ordinaire». La procédure compte trois étapes: celle de la commune, celle du canton et celle de la Confédération. Chacune de ces autorités traite la demande et donne son autorisation.
L'article 11-e de l'Ordonnance sur la procédure de naturalisation et d'admission au droit de cité (2006-2014) traite de l'emploi des langues sur cette question. Pour obtenir la citoyenneté dans un arrondissement donné, il faut faire preuve de connaissances linguistiques suffisantes de la langue officielle de l'arrondissement concerné (§ 1), subir un examen oral et écrit (§ 2), le réussir (§ 4), et recevoir une attestation écrite officielle (§ 4). Si l'examen n'est pas réussi, tout candidat doit suivre un cours de langue (§ 5) et assumer les frais de 'examen (§ 6).
Article 11-e
Capacité de compréhension 1) La capacité de compréhension de la langue officielle de l'arrondissement concerné est reconnue lorsque le requérant ou la requérante dispose de connaissances linguistiques suffisantes pour communiquer avec les autorités ainsi qu'avec les concitoyens et concitoyennes. |
Certaines personnes sont dispensées de l'examen des connaissances linguistiques: celles dont la langue maternelle est une langue officielle de l'arrondissement administratif concerné, les enfants âgés de moins de 16 ans, les personnes ayant fréquenté l'école obligatoire en Suisse pendant au moins trois ans sans interruption ou achevé une formation du degré secondaire II ou du degré tertiaire, les personnes ayant réussi un examen linguistique de niveau A2 dans la langue officielle de l'arrondissement administratif concerné, conformément au Cadre européen commun de référence pour les langues défini par le Conseil de l'Europe. Quant aux personnes présentant un handicap mental, ne sachant pas lire ou écrire ou ne remplissant pas les exigences linguistiques après avoir suivi un cours de langue, la procédure à suivre concernant est réglée au cas par cas.
- La dénomination des communes
En 2024, le canton de Berne comptait 335 communes. En 1956, l'Arrêté du Conseil exécutif concernant l'orthographe officielle des noms des communes avait officialisé la liste des communes (municipalités). Depuis l'Ordonnance sur la commission de nomenclature (2010-2022), c'est la Commission de nomenclature, qui constitue l'organisme responsable pour le canton au sujet des noms géographiques officiels. La Commission peut édicter des directives ou des recommandations sur le relevé ou l'orthographe des noms géographiques de la mensuration officielle. Elle vérifie aussi la conformité linguistique de ces noms, s'assure du respect des prescriptions de la législation fédérale et des directives cantonales, et transmet ses conclusions et ses recommandations à l'Office de l'information géographique.
- Les Églises
Il est plutôt rare que, dans les pays occidentaux, la loi prévoie des dispositions d'ordre linguistique en ce qui concerne la ou les religions. Nous savons aussi que le catholicisme romain et le protestantisme ont joué un rôle important dans la mise en forme de la Suisse moderne et dans la façon dont les Suisses se considèrent. En 2023, c’est l’Église évangélique-réformée qui est le plus largement représentée dans le canton de Berne, avec une proportion de 42,2% de la population résidante permanente âgée de 15 ans et plus, suivie par l’Église catholique romaine avec 13,5%. Les autres communautés religieuses atteignent au total une proportion de 13,0%. Quant aux personnes sans confession augmentent chaque année; en 2023, elles représentaient 30,6%. Il y a aussi 4,7 % de musulmans, 1,8 % de chrétiens orthodoxes, 0,4 % d'hindouistes, 0,3 % de bouddhistes, 0,1 % de juifs, etc. En Suisse, l'Église évangélique réformée, l'Église catholique et l'Église catholique-chrétienne sont reconnues comme des «Églises nationales». Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ces Églises nationales ont remplacé les «Églises d'État» dans les cantons protestants, mais leur statut de droit public maintient un lien avec l'État.
Article 1 Champ d'application 1) La présente loi définit le statut ainsi que les grandes lignes de l’organisation et du financement des Églises nationales réformées évangélique, catholique romaine et catholique chrétienne reconnues par le canton. 2) Elle règle en outre le statut des ecclésiastiques engagés par les Églises nationales, leurs entités régionales ou les paroisses. Article 11
|
D'après l'article 1er de l'Ordonnance concernant l'appartenance à une paroisse réformée évangélique de langue française dans les régions de langue allemande (2012-2019), les membres francophones de l'Église nationale réformée évangélique dont le domicile se trouve dans la partie germanophone du canton peuvent faire partie soit de la paroisse de langue française correspondante:
Article 1er Principe Impôt paroissial |
Cette ordonnance permet aux membres francophones du canton de choisir s'ils veulent appartenir à une paroisse francophone ou à la paroisse germanophone de leur lieu de domicile. Cette possibilité s'applique aux membres de l'Église nationale réformée évangélique et de l'Église nationale catholique romaine.
L'article 11 de l'Ordonnance concernant l'attribution des postes d'ecclésiastique réformé évangélique rémunérés par le canton (2015) veut assurer l'attribution des postes ecclésiastiques aux paroissiens de langue allemande dans la partie francophone et aux paroissiens de langue française dans la partie germanophone du canton:
Article 1 |
4.4 Les langues de l’éducation
Tous les enfants et adolescents bernois peuvent fréquenter gratuitement l’école obligatoire, y compris l'école enfantine, sur leur lieu de résidence. La scolarité obligatoire dure onze ans : deux années à l’école enfantine, six années au degré primaire et trois années au degré secondaire. L’entrée à l’école enfantine (maternelle) a lieu lorsque l’enfant a quatre ans révolus. Les écoles relèvent de la juridiction de la commune.
La législation scolaire du canton de Berne concerne les documents suivants: la Loi sur l'école obligatoire (1992-2022), l'Ordonnance sur l'école obligatoire (2013-2024), l'Ordonnance sur les écoles moyennes (2007-2024), l'Ordonnance de Direction sur les écoles moyennes (2008-2015), la Loi sur l'Université (1996-2020), l'Ordonnance sur l'Université (2012-2024) et la Loi sur la Haute École pédagogique germanophone (2004-2023).
- La langue du district de résidence
Dans le canton de Berne, l’enseignement public doit être offert dans la langue officielle du district et/ou de l'arrondissement: les enfants fréquentent l’école allemande dans les districts germanophones et les écoles françaises dans les districts francophones. Selon l'article 9 de la loi du 2 décembre 1951 sur l'école primaire (aujourd'hui abrogée), chaque enfant est tenu «de suivre l'enseignement scolaire dans l'arrondissement où il séjourne». Pour des fins d’enseignement de la langue seconde, l’article 28 prévoyait des dispositions concernant la formation des maîtres: «Les maîtres aux écoles primaires supérieures doivent posséder un certificat de capacité pour l'enseignement de l'allemand dans la partie française du canton, celui du français dans la partie allemande.»
C'est maintenant la Loi sur l'école obligatoire (1992-2022), qui réglemente l'école publique obligatoire, qui comprend l'école enfantine, l'école primaire et l'école secondaire I. Selon l'article 9-a de cette loi, la langue d’enseignement est le français dans les communes de la partie francophone du canton et à l’École cantonale de langue française, le français et l’allemand dans les communes de Biel/Bienne et d’Évilard, et l’allemand dans les autres communes:
Article 9a Langue d’enseignement
2) La Direction de l’instruction publique peut accorder des dérogations pour des motifs d’ordre historique. 3) Les commissions scolaires peuvent autoriser l’autre langue nationale comme langue d’enseignement dans certaines disciplines si le corps enseignant dispose des qualifications requises. |
- La langue seconde
L'article 10 de la Loi sur l'école obligatoire rend obligatoire l’enseignement d’une langue seconde:
Article 10
Enseignement obligatoire et enseignement facultatif
|
Ainsi, la loi oblige les élèves germanophones à suivre un programme dans lequel le français comme première langue seconde est enseigné au primaire, l’anglais comme deuxième langue seconde au secondaire, mais en troisième l’élève a le choix de continuer en anglais ou de recevoir des cours en italien. L’école peut proposer de remplacer l’italien par le latin.
Enseignement des langues durant la scolarité obligatoire dans la partie germanophone du canton
Niveau | Allemand | L2 : français | L3 : anglais | |
1 | Primaire | 5 | ||
2 | Primaire | 5 | ||
3 | Primaire | 5 | ||
4 | Primaire | 5 | ||
5 | Primaire | 5 | 4 | |
6 | Primaire | 5 | 4 | |
7 | Secondaire I | 4 | 4 | 2* |
8 | Secondaire I | 4 | 2/3 | 2* |
9 | Secondaire I | 4 | 2/3 | 2* |
Nombre minimal de leçons par année | 16 | 2 | ||
Nombre minimal de leçons par année | 18 | 6 |
L2 : français
Début de I'enseignement du français : 5e annéeL3 : anglais
Début de I'enseignement de I'anglais : 8e année
*L'anglais est obligatoire en 7e année ; à partir de la 8e année, l'anglais devient branche à option (à côté de l'italien) ; l'autre langue peut être apprise à titre de branche facultative.
Dans les écoles françaises du canton, le programme «Langues et communication» rend l’allemand obligatoire comme première langue seconde. L’anglais est enseigné dès le secondaire, puis l’italien et le latin, mais l’école peut remplacer le latin par le grec.
Enseignement des langues durant la scolarité obligatoire dans la partie francophone du canton
Niveau | Français | L2 : allemand | L3 : anglais | |
1 | Primaire | 8 | ||
2 | Primaire | 9 | ||
3 | Primaire | 8 | 1 | |
4 | Primaire | 7 | 2 | |
5 | Primaire | 6 | 3 | |
6 | Primaire | 6 | 3 | |
7 | Secondaire I | 6 | 3 | |
8 | Secondaire I | 5 | 4 | 3* |
9 | Secondaire I | 6 | 4 | 3* |
Nombre minimal de leçons par année | 20 | 0 | ||
Nombre minimal de leçons par année | 20 | 6 |
L2 : allemand
Début de I'enseignement de I'allemand : 3e annéeL3 : anglais
Début de I'enseignement de I'anglais : 8e année
* Au secondaire, I'italien peut être choisi comme alternative à I'anglais
II est prévu d'avancer le début d'apprentissage de I'anglais en T- année (peut-être à partir de 2007) ; en fonction de I'introduction de la nouvelle grille horaire.
* À terme, il est prévu de commencer I'enseignement de I'anglais dès la 5e année primaire. La planification en est encore à ses débuts.
Le 27 septembre 2009, le canton de Berne adhérait à l'harmonisation intercantonale (voir la liste des cantons participants) en ce qui a trait à l'enseignement des langues étrangères, pour un total de trois:
Article 4
Enseignement des langues 1) La première langue étrangère est enseignée au plus tard dès la 5e année de scolarité et la deuxième au plus tard dès la 7e année, la durée des degrés scolaires étant conforme à ce qui est stipulé à l’article 6. L’une des deux langues étrangères est une deuxième langue nationale, et son enseignement inclut une dimension culturelle ; l’autre est l’anglais. Les compétences attendues dans ces deux langues au terme de l’école obligatoire sont de niveau équivalent. Dans la mesure où ils prévoient, en plus, l’enseignement obligatoire d’une troisième langue nationale, les cantons des Grisons et du Tessin peuvent déroger à la présente disposition en ce qui concerne les années de scolarité fixées pour l’introduction des deux langues étrangères.2) Une offre appropriée d’enseignement facultatif d’une troisième langue nationale est proposée durant la scolarité obligatoire. |
Tous les élèves doivent commencer l'apprentissage d'une deuxième langue nationale et de l'anglais à l'école primaire, au plus tard en 3e et en 5e année scolaire (comptage basé sur neuf années de scolarité obligatoire); en incluant dans la scolarité obligatoire, comme prévu par l'accord intercantonal de 2007 (ou concordat Harmos),
- L'École cantonale de langue française de Berne
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Dans le canton de Berne, il existe une école qui ne relève pas de la juridiction d’une commune, mais directement des autorités cantonales: l’École cantonale de langue française de Berne (ECLF). Créée par des entreprises privées, l'ECLF a été reconnue d'utilité publique et a bénéficié, dès 1960, d'aides financières de la part de la Confédération, du canton et aussi de la Ville de Berne. |
Constitué en fondation en 1960, l'établissement d'enseignement est devenu une école publique en 1982 et porte depuis son appellation actuelle. Les frais d'exploitation sont partagés entre le canton de Berne (65 %), la Confédération suisse (25 %) et les localités dans lesquelles les élèves ont élu domicile (10 %). L'ECLF accueille les élèves dès la première année de jardin d'enfants jusqu'à la 9e année pré-gymnasiale, moderne ou générale. Sont admis à cette école les enfants francophones et italophones des fonctionnaires fédéraux, les enfants francophones des fonctionnaires cantonaux, les enfants des membres des missions diplomatiques et des organisations internationales. Cette école ne conduit pas jusqu'au baccalauréat.
L’École cantonale de langue française de Berne a été jadis réglementée par l’Ordonnance concernant l'organisation de l'École cantonale de langue française de Berne (29 juin 1994), mais elle a été abrogée en date du 31 juillet 2008. Les élèves bénéficient des mêmes programmes que dans les autres écoles du canton, sauf le fait que «l'enseignement du français, de l'allemand et des mathématiques est dispensé par groupes de niveau». En effet, les élèves sont répartis entre ces groupes en fonction de leurs performances ou connaissances scolaires. Aujourd'hui, c'est la Loi sur l'école obligatoire (1992-2022) qui remplace l'ordonnance du 29 juin 1994. Les articles 49b, 49c et 49d (tous introduits en 2008) énoncent le but et la mission de l'ECLF:
Article 49b
Principe But Mission |
De plus, l'article 21 de l'Ordonnance sur l'école obligatoire (2013) énumère les critères d'admission pour l'École cantonale de langue française, les places libres étant attribuées aux enfants des employés de langue française, italienne ou romanche de l'administration cantonale et de l'administration fédérale; aux enfants des collaborateurs de langue française, italienne ou romanche des organisations dont l'existence sert la Confédération; aux enfants qui ont commencé leur scolarité obligatoire en langue française et aux enfants de parents de langue française, italienne ou romanche:
Article 21
Critères d'admission Si la capacité d'accueil de l'École cantonale de langue française est insuffisante, les places libres sont attribuées dans l'ordre de priorité suivant:
|
Dans les faits, la majorité des élèves de l'École cantonale de langue française ne sont pas des enfants de citoyens de la Suisses romande, mais des enfants d'immigrants francophones ou des enfants de couples mixtes suisse-étranger ou germanophone-francophone. En fait, les enfants maghrébins sont devenus majoritaires. Toutefois, étant donné que l'enseignement en français à Berne ne va pas jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire (15 ans), les enfants qui ne parlent pas suffisamment l'allemand sont envoyés au lycée de Bienne ou en formation professionnelle. Cela signifie deux heures de transport par jour. Lorsqu'ils ont terminé leurs études, il leur est difficile de retourner à Berme, car ils ne parlent pas le bernois et s'expriment mal en allemand. La Ville qui a créé des classes bilingues anglais-allemand aurait intérêt à les remplacer par des classes bilingues français-allemand.
- L'enseignement supérieur
À l’université, les germanophones n’ont aucun problème pour effectuer leurs études en allemand; ils peuvent même fréquenter des universités dans d'autres cantons germanophones.
Jusqu'en 1919, les études universitaires, surtout les futurs enseignants, devaient se faire pour les francophones en allemand à l'Université de Berne. Puis des concessions ont été faites et les étudiants purent fréquenter des universités francophones de la Suisse romande. Depuis 1957, tous les étudiants du Jura bernois se sont vu reconnaître le droit d'acquérir leur formation théorique complète dans une université romande de leur choix. Ainsi fut résolu un problème majeur, celui de la langue d'enseignement à l'université: la minorité francophone a acquis le droit d'acquérir sa formation dans sa langue maternelle. Ce droit semble particulièrement fondamental pour les futurs enseignants qui ont la tâche de faire connaître et de défendre leur culture.
Selon la Loi sur l'Université (1996-2020), l'allemand et le français sont placés sur un pied d'égalité, mais l'enseignement offert en français demeure forcément rare, car c'est selon les disponibilités:
Article 11
Langues |
L'Ordonnance sur l'Université (2012-2024) prévoit des prolongations de la durée des études, dont des cours de langues pour allophones:
Article 11 Admission sur la base de diplômes étrangers 2) La direction de l’Université édicte un règlement sur les diplômes étrangers reconnus ou partiellement reconnus, dans lequel elle répertorie également les universités étrangères reconnues. 4) L’Université peut exiger que les candidats et les candidates aux études universitaires prouvent qu’ils possèdent des connaissances suffisantes dans la langue d’enseignement. Article 35 |
En vertu de la Loi sur la Haute École pédagogique germanophone (2004-2023), l'enseignement est offert en allemand :
Article 18
Langue d'enseignement |
Depuis quelques décennies, l’Université de Berne offre un grand nombre de cours en français. Il est également possible d’acquérir une formation universitaire bilingue.
La ville de Bienne, qui compte une population de plus de 55 000 habitants, est située à cheval sur la frontière linguistique séparant les parties française et allemande du canton de Berne. Dans cette ville, 55,6 % de la population parle l'allemand et 44,4% le français, mais on dénombrerait au moins 12 000 «étrangers». Le bilinguisme est vécu à Bienne depuis le milieu du XIXe siècle. La Ville s’est officiellement déclarée «Ville bilingue» dans son règlement du 9 juin 1996. C'est le seul district officiellement bilingue du canton, avec d'ailleurs un nom bilingue depuis 2004 — Biel/Bienne — où s'applique un bilinguisme fondé sur le principe des droits personnels. En 2002, 36,9 % des Biennois étaient unilingues, 32,9 % étaient bilingues et 20,3 % étaient trilingues ou multilingues. |
La population résidante par langues parlées habituellement au travail se présente ainsi : le suisse allemand (55,0%), l'allemand (39,9%), le français (66.5%), l'anglais (19.6%), l'italien (10,6%); les autres langues : 7,4%. Avec plus de 160 nationalités à Bienne, il est fréquent d’entendre une troisième langue en plus du français et de l’allemand.
La Ville de Bienne et la commune d’Évilard sont les seules communes officiellement bilingues du canton de Berne. Contrairement au Jura bernois, l’arrondissement administratif de Biel/Bienne ne bénéficie pas d’un «statut particulier».
5.1 La réglementation cantonale
Toutefois, les francophones de Bienne et d’Évilard, minoritaires, disposent de compétences particulières, reconnues par la Constitution cantonale bernoise (art. 6).
Article 6
Langues 1) Le français et l'allemand sont les langues nationales et officielles du canton de Berne.
4) Le canton et les communes peuvent tenir compte de situations particulières résultant du caractère bilingue du canton. |
Ces compétences sont détaillées dans la Loi sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne (2004), qui instaure notamment le Conseil des affaires francophones du district bilingue de Bienne (CAF), fondé officiellement en juin 2006. Depuis le 21 juin 2017, les compétences du CAF, nouvellement appelé «Conseil des affaires francophones de l’arrondissement de Biel/Bienne», ont été étendues à la population francophone des 17 communes germanophones de l’arrondissement administratif de Biel/Bienne (ROB 17-031). Cette extension a été soutenue par Bienne et Évilard. À ce document, depuis 2006, création du Conseil des affaires francophones, institution cantonale pour défendre les droits de la minorité francophone biennoise.
Dans le district bilingue de Bienne, l'article 49 de la Loi sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne (2004) accorde le choix au citoyen d'utiliser la langue qu'il désire:
Article 49 Libre choix de la langue Toute personne peut s'adresser dans la langue officielle de son choix aux autorités compétentes pour le district bilingue de Bienne. |
Cela signifie que tout citoyen peut s'adresser aux autorités cantonales ou municipales en français ou en allemand.
L'Ordonnance sur l'usage des langues dans l'arrondissement administratif de Biel/Bienne et, pour les autorités régionales, dans l'arrondissement administratif du Seeland du 2 novembre 2005 est beaucoup plus précise à ce sujet. D'abord, l'article 1er déclare que le français et l'allemand sont les langues officielles de l'arrondissement administratif de Biel/Bienne. L'article 8 énonce que les procédures administratives se déroulent dans la langue du requérant, alors que l'article 10 prescrit l'usage du français ou de l'allemand dans les publications officielles selon l'arrondissement donné:
Article 1er Principe Article 8 Procédures administratives et procédures de justice administrative Article 10 Publications dans la Feuille officielle |
En vertu de l'article 1er de l'Ordonnance sur l'usage des langues dans l'administration de la justice et des tribunaux du district de Bienne (1995-2022), les langues officielles de la justice sont le français et l'allemand. Les deux langues peuvent être utilisées en fonction des affaires civiles, pénales ou des affaires de poursuite et de faillite (en dépit de l'article 2 qui a été abrogé):
Article 1er
Principe Article 2 [abrogé] Tribunaux
3) Toute partie n'étant ni de langue maternelle française ni de langue maternelle allemande, mais ayant fait sa scolarité dans l'une de ces deux langues ou l'ayant adoptée comme deuxième langue est considérée comme francophone ou germanophone. |
Rappelons aussi que, en conformité avec l'article 9a de la Loi sur l'école obligatoire (1992-2022), le français et l'allemand sont les langues d'enseignement dans les communes de Biel/Bienne et d’Evilard. Dans ces deux communes, les parents peuvent choisir dans laquelle des deux langues l'enseignement sera offert à leurs enfants aux niveaux primaires et secondaires ainsi que dans les écoles supérieures. Cela signifie que les parents peuvent choisir une école francophone ou germanophone, tout en sachant qu'il est préférable d'opter pour la langue la plus utilisée à la maison. La langue de scolarité choisie est valable et contraignante pour toute la scolarité. Afin de favoriser le bilinguisme, des classes bilingues sont créées aux niveaux secondaires et dans les écoles supérieures.
5.2 La réglementation municipale
Au niveau municipal, le bilinguisme institutionnel est enchâssé dans la réglementation biennoise. Ainsi, le Règlement de la Ville de Bienne (version de 2024) déclare dans son article premier que «Bienne est une commune municipale bilingue du canton de Berne au sens de la Constitution cantonale et de la législation sur les communes» et à l'article 2 que «le français et l'allemand sont les deux langues officielles de la Ville de Bienne» et «;a égalité de ses deux langues officielles» :
Article 2 |
Le paragraphe 3 exige que les différents documents officiels destinés à la population doivent être rédigés et promulgués en français et en allemand.
Au plan politique, l'article 4 du Règlement du Conseil de Ville (1996) concerne les langues des débats au Conseil de Ville; les membres peuvent s’exprimer au choix en français ou en allemand, et les rapports adressés au Conseil de Ville sont également rédigés en français et en allemand:
Article 4
Langue des débats |
Il existe un autre document appelé «Charte biennoise des langues» (2006), qui établit le bilinguisme institutionnel français-allemand comme principe fondamental pour la Ville de Bienne. Cela signifie que toutes les communications officielles et les documents administratifs sont produits dans les deux langues, assurant ainsi l'égalité de statut du français et de l'allemand au sein de la ville et de ses institutions:
Article 1er
Les langues officielles à Bienne sont le français et l'allemand. Elles sont traitées sur pied d'égalité. Article 2 Le bilinguisme institutionnel français-allemand est garanti dans l'administration, les tribunaux et les institutions publiques. Les informations adressées au public sont rédigées en français et en allemand. Article 5 À Bienne, toutes les personnes s’expriment dans leur(s) langue(s) première(s); elles la cultivent et la pratiquent, notamment avec leurs enfants. Les personnes francophones et germanophones s’efforcent d’apprendre la deuxième langue officielle ; quant aux personnes allophones, elles s’efforcent d’acquérir les connaissances d’au moins une des langues officielles. Article 6 Toutes les langues du monde ont une valeur intrinsèque. Tout groupe linguistique a droit au respect de l'autre. |
Au cours de l‘Année européenne des langues 2001, une association a été créée à Bienne, le 8 mai. Il s'agit de l'Association bilinguisme plus (Bilinguisme +). C'est une association de soutien au Forum du bilinguisme, créée à Bienne en 1996, a pour objectif la promotion du bilinguisme et du plurilinguisme au moyen de l'observation scientifique et par la mise en vigueur de mesures qui facilitent la cohabitation de plusieurs cultures linguistiques à Bienne, dans le canton de Berne et dans toute la Suisse plurilingue. L'Association bilinguisme + est appelée à promouvoir le bilinguisme, d’une part, par l’observation et la recherche en la matière; d’autre part, par des activités ciblées qui peuvent, le cas échéant, améliorer la vie en commun de deux ou plusieurs cultures. Cette association s'est dotée d’une Charte du bilinguisme appelée Charte biennoise des langues (2006), qui règlemente le principe de la personnalité, qui prévaut au niveau de la municipalité et de ses activités, ainsi que dans la communication interne.
Par ailleurs, le bilinguisme institutionnel peut cacher d’autres langues et d’autres variantes, car le canton de Berne a la particularité d'utiliser aussi le dialecte suisse-allemand (le biennois) pour les débats entre les élus.
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Les affiches reproduites ci-contre témoignent des effets du bilinguisme de cette ville du canton de Berne, à cheval sur la frontière linguistique.
En principe, le bilinguisme visuel n'apparaît pas dans toute la ville. Les affiches peuvent être unilingues français dans les quartiers francophones et en allemand dans les quartiers germanophones. Elles sont forcément bilingues dans les zones fréquentées autant par les francophones que par les germanophones. |
Bref, tous les services cantonaux et municipaux sont bilingues à Bienne et à Évilard, à l'exception des écoles qui sont ou francophones ou germanophones. L'affichage cantonal et municipal est bilingue avec prédominance de l'allemand, mais l'affichage commercial se fait généralement dans la langue du propriétaire de l'établissement, c'est-à-dire le plus souvent en allemand. Pour ce qui est des noms des rues, ils apparaissent dans les deux langues officielles sur les plaques odonymiques (rues) de la ville. C'est la seule ville de toute la Suisse à accorder des droits linguistiques sur une base personnelle plutôt que sur une base territoriale.
5.3 Les institutions
Il existe deux institutions pour assurer le respect de la diversité culturelle et linguistique dans cette partie francophone du canton Berne et du district de Biel/Bienne: le Conseil du Jura bernois (CJB) et le Conseil des affaires francophones du district bilingue de Bienne (CAF). Le Conseil du Jura bernois exerce la participation politique du Jura bernois et de la population francophone du district de Bienne; il prend position sur tout projet qui concerne spécifiquement cette région. Le Conseil des affaires francophones du district bilingue de Bienne (CAF) exerce les compétences et les droits que lui confère la Loi sur le statut particulier du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne. Les seules compétences décisionnelles qui lui échoient concernent le domaine de la coordination scolaire romande et il les exerce conjointement avec le Conseil du Jura bernois. À la différence du Conseil du Jura bernois, le Conseil des affaires francophones du district bilingue de Bienne n’est pas une institution liée à un territoire, mais à une population habitant un territoire déterminé, en l’occurrence aux personnes de langue française domiciliées dans le district de Bienne.
La Ville de Bienne est la seule ville bilingue de toute la Suisse avec Fribourg, mais elle demeure «l'espace bilingue» privilégié du pays parce que son bilinguisme est consensuel et peut être considéré comme un véritable projet de société. Le défi pour la Ville est d'intégrer les démarches qui favorisent tant le bilinguisme individuel que le bilinguisme institutionnel, car ce dernier, s'il est trop étendu, protège l'unilinguisme des individus. Néanmoins, beaucoup d'efforts restent encore à entreprendre dans le monde du travail à l'intention des jeunes francophones et des cadres francophones au sein de l’administration municipale, ainsi que la place du français dans les commerces, l'affichage et l'étiquetage commercial.
La ville de Biel/Bienne est souvent citée en exemple de «ville bilingue» où deux communautés linguistiques cohabiteraient paisiblement. Ce bilinguisme peu conflictuel s'explique en partie par le fait que les deux langues officielles comptent parmi les grandes langues européennes et jouissent toutes deux d'un grand prestige culturel. De plus, la ville se trouve à cheval sur la frontière linguistique — le Röstigraben —, ce qui signifie que les deux communautés linguistiques ne se sentent pas isolées; elles sont donc rattachées aux grandes aires culturelles auxquelles elles appartiennent. Enfin, la proportion des francophones (44,4%) par rapport aux germanophones (55,6%) assure un équilibre démographique qui favorise l'égalité.
Le canton de Berne dispose d'un grand éventail médiatique diversifié, comprenant à la fois des médias imprimés et des plateformes numériques. Le canton ne dispose pas d'une législation sur les médias, du moins rien en ce qui concerne les langues. Le canton compte des médias d'information généralistes et spécialisés, ainsi que des médias régionaux et locaux. L'Office de la communication du canton joue un rôle central dans la communication avec les médias et le public. Le canton soutient également les médias au moyen d'aides financières, notamment pour les médias d'information en langue française du Jura bernois.
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- Les médias francophones La présence francophone ne se fait sentir que dans le Jura bernois (environ 54 000 personnes) et la ville de Bienne (environ 25 000) pour un total de quelque 78 000. En français il n'existe que le Journal du Jura et Act Hebdo. Dans le canton de Berne, les principales chaînes de radio et de télévision en français sont Radio Canal 3 (qui diffuse en français et en allemand, avec une fréquence spécifique pour la partie francophone) et TeleBielingue (la chaîne de télévision locale bilingue de la région de Bienne). De plus, la Radio Télévision Suisse (RTS) propose des émissions en français, notamment à travers ses chaînes RTS 1 et RTS 2. - Les médias germanophones En allemand, les journaux sont les plus importants sont le BZ Berner Zeitungchten et Bieler Tagblatt, il y en a d'autres dans cette langue. La SRF (Schweizer Radio und Fernsehen: la Radio Télévision Suisse) est l'entreprise de médias de service public de la Suisse alémanique; elle propose des chaînes de télévision (SRF 1, SRF zwei, SRF info) et de radio (SRF 1, SRF 2 Kultur, SRF 3, etc.) en allemand. Radio RaBe est une station de radio locale, basée à Berne, qui diffuse également en allemand. |
Contrairement à de nombreux pays dans le monde où cohabitent deux ou plusieurs langues sur le territoire national, la Suisse ne connaît pas de conflits linguistiques. En pratiquant la séparation territoriale des langues, même dans les cantons bilingues, la Confédération suisse a su préserver les deux communautés linguistiques française et allemande. Le cas du canton de Berne est particulièrement remarquable, car la minorité francophone de 11,3% jouit de tous les avantages de la majorité germanophone; et elle n'est pas menacée dans sa survie.
Toutefois, le système présente quand même quelques lacunes, surtout en ce qui a trait à la ville de Berne, la capitale du canton. Bien que Berne soit à la fois la capitale fédérale et la capitale cantonale, elle est restée une ville exclusivement de langue allemande. Le gouvernement fédéral en a été alerté; il a chargé un groupe de travail d'étudier la question des langues en Suisse et de lui soumettre des propositions. Mais Berne restera, du moins apparemment (visuellement), une ville unilingue allemande. Un citoyen francophone (ou italophone) ne peut vraisemblablement guère se sentir chez lui dans un environnement aussi germanique. Sauf dans les services centralisés de la Confédération ou de la chancellerie d’État de Berne, les services auprès de la population demeureront en général en allemand. Ce n'est pas pour rien qu'un mouvement autonomiste francophone est né et a perturbé la tranquillité des germanophones: le Mouvement autonomiste jurassien. Ce mouvement prône le retour du Jura bernois dans le canton du Jura.
Enfin, il ne faut pas se faire d’illusion. Malgré la coexistence pacifique des deux groupes linguistiques au sein d'un même canton (Berne), le prix à payer, c’est d’être gouverné par une majorité massivement allemande, par des politiciens, des chefs d'entreprise, des fonctionnaires qui pensent et ordonnent en suisse alémanique, tout préoccupés à gérer leur prospérité économique. Pour le reste, les deux groupes linguistiques se tournent le dos avec une surprenante indifférence.
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